Jakob Wachsberger, frère de mon arrière grande père et ses descendants
Jakob et Netty

Jakob Wachsberger, un frère cadet d’Hermann, né en 1874, soit 15 ans après lui, se marie avec Netty (Jeanette), la première fille d’Hermann. Le couple habite à Ostrava où ils auront 5 enfants (Bruno, Lilly, Frieda, Otto, Edith).



NB : Terezin= Theresienstadt ; Opava=Troppau ; Krnov=Jägendorf ; Oświęcim=Auschwitz ; Racibórz=Ratibor ; Brno=Brünn

Jakob était établi à Ostrava au moins depuis 1890 puisqu’on trouve sa trace dans le recensement (établi en allemand et en tchèque). Il habite alors dans la Bahnhofstrasse chez les Feiner, une famille juive dont le père David est serrurier. Il est indiqué que Jakob est alors commis, un terme ancien qui n’est plus utilisé aujourd’hui dans les pays de langue allemande, et qui signifie employé. Le recensement indique aussi la religion des occupants, tous ici de religion mosaïque (c’est-à-dire se référant au message religieux de Moïse) à l’exception de la domestique Marie Kupec qui est catholique. Tous ont aussi l’allemand comme langue principale. (« Dans l’Empire des Habsbourg, l’identification [des individus] était déterminée par la langue et la religion. En Cisleithanie[1], les gens étaient interrogés, [non sur leur langue maternelle, mais] sur la langue d’usage quotidien (Umgangssprache) ». (Horel, 2023, Multicultural Cities of the Habsbourg Empire. 1880-1914. Imagined Communities and Conflictuals Encounters, Budapest, New-York, CEU Press)
[1] L’empire austro-hongrois se composait de deux parties juridiquement différentes : l’une se situant de part et d’autre de la Leitha », une rivière qui formait la frontière de la Basse-Autriche avec le royaume de Hongrie.

Toutefois, sa reconnaissance officielle en tant que famille d’Ostrava date de 1907 où une délibération du conseil municipal demande son inclusion et celle de sa famille dans l’association des foyers de la ville. Jakob a alors 33 ans.
Il faut rappeler que « dans tout l’empire austro-hongrois, la citoyenneté communale suivait la même règle : chaque citoyen devait être inscrit dans une commune spécifique pour établir sa résidence (Heimatzuständigkeit), et l’enregistrement dans deux communes ou plus n’était pas autorisé. Une fois inscrite, la personne était éligible aux prestations sociales municipales. Le Heimatzuständigkeit pouvait théoriquement être modifié si l’on déménageait dans un nouveau lieu de résidence, mais dans ce cas, l’enregistrement précédent devait être annulé. Pourtant, dans la pratique, le changement de résidence était une affaire plus compliquée.(…] après la loi sur la citoyenneté de 1863, les municipalités ont eu tendance à restreindre l’octroi de la citoyenneté aux migrants récents, craignant, entre autres facteurs, que cela ne pèse sur les fonds municipaux disponibles pour les politiques de protection sociale ». (Horel, 2023)


Intervention pour l’admission à l’association locale de la ville de Moravie-Ostrau sur le fondement de la loi du 5 décembre 1896, R.-G. Feuille n° 222.
Auparavant, Jakob avait déjà déclaré, le 21 novembre 1905, son commerce d’épicerie fine auprès du tribunal de commerce de la ville. Ci dessous, la lettre qu’il envoie pour son enregistrement et le mot du département de la chancellerie de K.K (Kayserlich und Königlich, désignant l’empire d’Autriche) validant sa demande.


On trouve plusieurs mentions dans les journaux locaux de ce commerce, parfois à côté de celle de son frère.

Ostrauer Zeitung, 2 mars 1012; 10 décembre 1910; 30 novembre 1909; 2 décembre 1906
Contrairement à de nombreux membres de leur famille, Jakob et Netty ne migrent pas à Berlin après la fin de la première guerre mondiale et la constitution de la Tchécoslovaquie, mais restent habiter à Ostrava. « Dans les terres tchèques, l’antisémitisme est plus faible qu’ailleurs ; il est fermement combattu par Tomáš Masaryk (1850–1937), fondateur et premier président de la Tchécoslovaquie. En parallèle, la sécularisation présente autant chez les Juifs que chez non-Juifs facilite l’intégration. La plupart des Juifs de Bohême, dont la pratique religieuse décline fortement depuis le XIXe siècle, se montrent indifférents envers les questions religieuses » (source)
Le 14 mars 1939, l’Allemagne envahit cependant la Tchécoslovaquie et y instaure le protectorat de Bohême-Moravie. Emil Hácha, président de la Tchécoslovaquie depuis la démission et l’exil d’Edvard Beneš, demeure en place, mais tout le pouvoir est détenu par le Reichsprotektor allemand. Se mettent alors rapidement en place les mesures anti-juives (exclusions professionnelles, déchéances des droits, interdiction d’activités, restriction de la liberté de circulation,…) et d’aryanisation (saisie des biens juifs au profit du Reich). Le port de l’étoile jaune est imposé simultanément en Allemagne et en Bohême-Moravie en septembre 1941. Jakob n’échappe pas à ces mesures. Il est contraint en 1939 de vendre son magasin de la Hauptstrasse à un certain Rudolf Tschischka. Ce bien donnera lieu à une demande de réparation après la guerre, déposée par Frieda Wachsberger, une des filles de Jakob et Netty qui a réussi à émigrer en Israël.

Jakob devait avoir une situation financière suffisamment importante pour qu’on trouve des traces des spoliations dont il a été victime. Un courrier émanant du Protectorat du Reich en Bohème-Moravie adressé à la Oberkasse du protectorat du Reich indique que « Le juif Jakob Wachsberger a obtenu l’autorisation de vendre les titres en sa possession le 19 avril 1941 sous le numéro 5511/41 (§1 du règlement des biens juifs du 21 juin 1939) ». Un cinquième de cette vente forcée fut alors prélevée[ici]. On verra plus loin que sa fille, Frieda cherchera, après la guerre, à obtenir des réparations pour ces préjudices

Le terme « autorisé à vendre » doit être explicité. Afin d’éviter le chaos dans les transferts de propriété, comme à Vienne après l’Anschluss, Hermann Göring avait ordonné que toutes les opérations d’aryanisation dans le protectorat soient préalablement approuvées par le ministère de l’Économie du Reich pour qu’il puisse y prélever sa part.
Netty et Jakob seront déportés d’Ostrava le 26 septembre 1942 à Theresienstadt. Netty sera ensuite déportée à Auschwitz le 15 décembre 1943. Jakob, lui, décèdera à Theresienstadt le 11 octobre 1943. La carte de transport de Nettie indique qu’elle s’appelle Wachsbergerovà, selon l’usage tchèque pour signifier que Wachsberger est son nom de femme mariée (sans savoir que c’est aussi son nom de jeune fille). Le prénom indiqué de façon erronée est Nota.

Jakob et Netty ont eu 5 enfants. Trois d’entre eux, Bruno, Lilly et Otto trouveront la mort dans les camps.
Le nom des déportés de Tchécoslovaquie (Lilly, déportée de Drancy n’y est donc pas), sont inscrits, avec des erreurs, sur le mur de la synagogue Pinkas de Prague. On trouve aussi leurs dates de naissances et de décès. Dans l’ordre sont indiqués Bruno, Jakub (pour Jakob), Neta (pour Netty) et à la ligne suivante, Ota (pour Otto)


Bruno
Bruno est né le 28 novembre 1899 à Opava. Il grandit dans cette ville où il fait des études de médecine et s’établit comme gynécologue




Bruno a été déporté d’Ostrava à Theresienstadt où il est mort le 20 janvier 1943.
Lilly
Lilly est née le 4 août 1904 à Ostrava. Elle s’est mariée avec monsieur Hahn dont je ne sais rien mais dont elle avait divorcé. Herbert dispose de son passeport tchèque. « Elle est arrivée en France en 1937 (a franchi les Ponts du Rhin, à Strasbourg, le 8 mars de la même année) sous le nom de Lili Wachsberger-ova. » (Herbert Wachsberger, Brindilles, vers 1995)
Lili Hahnova (divorcée, si j’ai bien lu le passeport rédigé en tchèque) est arrivée en France en 1937 (a franchi les Ponts du Rhin, à Strasbourg, le 8 mars de la même année) sous le nom de Lili Wachsberger-ova. […] Absente du domicile (tout comme moi) lors de la rafle du 16 juillet 1942, elle y fut cueillie quelques jours plus tard, dix minutes après qu’elle y soit revenue. La police française, prévenue de son retour par une personne attentionnée (le concierge, M. Deliot, est cette personne à laquelle je pense), n’a pas craint les heures supplémentaires vers l’heure du déjeuner pour parfaire son travail

Elle a été déportée vers Auschwitz le 29 juillet 1942 par le même convoi (n°12) que ses deux tantes, Fanny Wachsberger (née Cahn) et Fanny Wachsberger. Le Totenbuch d’Auschwitz indique qu’elle y a trouvé la mort quelques jours après son arrivée, le 14 août 1942. On trouve la trace de la spoliation de ses biens dans une liste de personnes spoliées établie le 7 octobre 1944 par « Der Deutsche Staatsminister für Böhmen und Mähren », laquelle indique le lieu et la date de naissance, l’Etat d’origine et l’adresse des biens spoliés. Ici Ostrava, Hauptplatz 14.

Frieda Feigel
Frieda est née le 4 août 1904 à Ostrava.. Elle se marie avec Manny Felden et arrive à émigrer en Israël où elle a eu une fille (Vera)

Otto
Otto est né le 12 août 1907 à Ostrava. Il a été raflé dans cette même ville en octobre 1939, dans le cadre du plan Nisko de déportation des juifs d’Europe vers le district de Lublin en Pologne.


Edith
Edith est née vers 1907. Elle s’est mariée avec Vilem Bribram, qui décèdera sur le front en 1944, comme membre de l’armée tchécoslovaque au côté de l’armée anglaise.
Edith migre je ne sais quand en Israël. Edith et Vilem ont eu, à ma connaissance, un enfant (source : My heritage Sharon Web site)
Sur les 7 membres de cette branche familiale, seuls 2 ont ainsi échappé à la mort dans les camps. Les autres ont disparu, sans qu’il soit réellement possible de dater leur décès. Une demande du tribunal d’instance de Brême adressée le 17 novembre 1964 au bureau spécial de l’état civil d’Arolsen pour savoir si on connaissait quelque chose sur le sort des disparus Janette (Netti), Bruno, Lilly, Otto lui a été retournée en novembre 1965 avec le tampon négatif.
